Etude des connexions neuronales monosynaptiques
Il fait un petit peu peur, ce titre. Mais vous êtres courageux, j'en suis sûre. Il va falloir, parce que j'avais cococté de jolis schémas, que je n'arrive pas à insérer. Navred je suis...
Moi je dis, y’a des gens drôlement intelligents. Qui ont des idées et tout. Je sais pas vous, mais moi, ça m’épate. Illustration en musique, avec un extrait d’un article paru dans Neuron (1) ce mois-ci.
J’ai déjà abordé la question des réseaux précédemment. J’y reviens à cette occasion. Quand on veut savoir avec qui cause directement un neurone donné, c’est pas facile. Une possibilité est d’utiliser des traceurs trans-synaptiques marqués par une substance fluorescente, pour qu’on les repère bien. Comme leur nom l’indique, ces traceurs passent d’un neurone à l’autre via une synapse. Disons qu’on l’injecte dans le neurone 2, celui-ci devient fluorescent. Puis le traceur passe dans le neurone 3, qui à son tour, brille de mille feux.
Le problème, c’est qu’il n’y a pas de raison pour qu’il s’arrête dans le neurone 2 : il continue donc son petit bonhomme de chemin. Du coup, lors du recueil des résultats, plein de neurones peuvent être marqués, sans être directement connectés au neurone 2. Et on ne peut pas répondre à la question posée.
Les auteurs de l’article ne sont pas des billes. Les impératifs de départ, bien ciblés, sont les suivants :
1) Trouver un moyen pour que le traceur PASSE dans le neurone
2) Et qu’il s’arrête là !
Accrochez-vous, ce n’est pas simple simple, mais à la fin, la lumière sera.
Côté virus
1) Premier point : Ils ont utilisé un virus, celui de la rage (« ahhaahha ! » d’horreur), ou Rabies virions (ça vous rappelle quelque chose ?). Moi, j’ai décidé de l’appeler Rabivirus dans la suite du billet. Un truc bien, c’est qu’il est connu pour infecter uniquement les neurones par voie transsynaptique rétrograde, d’arrière en avant, du neurone 2 au neurone 1, quoi. (faut bien que je sorte un peu mon vocabulaire).
Pour ce faire, un élément indispensable est une glycoprotéine présente dans la paroi du virus, qu’on appellera passeuse (ça veut dire ce que ça veut dire, au moins). Sans elle, il reste dans le neurone de départ. Et bien on va supprimer le gène concerné. Du coup, Rabivirus est piégé dans le neurone. (Gnak, gnak, gnak).
2) Deuxième point: Tant qu’on y est dans les manip génétiques, on va mettre une protéine fluorescente verte dans le génome de Rabivirus. Comme ça, les cellules infectées seront bien repérables, vertes donc.
3)Troisième point : On veut infecter quelques neurones, pas tous (vous verrez pourquoi plus tard). Alors il faut que le virus ne puisse pénétrer que dans certains. Les auteurs ont croisé notre gentil Rabivirus avec un autre. De telle sorte que l’infection du neurone par le virus nécessite la présence d’une protéine P dans la membrane du neurone.
Côté neurone
On va donc aussi les modifier un peu. Une manipulation génétique va intégrer P, la passeuse (glycoprotéine de paroi virale manquante) et une protéine fluorescente rouge. Seuls les neurones capables d’être infectés, et d’apporter au virus la glycoprotéine nécessaire à son passage synaptique seront rouges.
Récapitulation :
Donc donc donc. Si vous êtes toujours là, vous êtes arrivés. Rabivirus modifié génétiquement arrive sur les neurones. Seuls les neurones modifiés génétiquement, donc rouges, seront contaminés. Une fois rentré dans neurone 2, Rabivirus prolifère, prolifère et le neurone devient vert. En plus de rouge. Comme le neurone produit la passeuse, notre Rabivirus peut passer la synapse vers le Neurone 1 (rétrograde, je vous ai dit, rétrograde). Et le neurone 1 devient vert. Mais si ce neurone 1 n’a pas été modifié génétiquement, il n’exprime pas la passeuse et rabivirus reste dedans.
Au final, on a ainsi identifié uniquement les neurones directement connectés au neurone 2, via une seule synapse.
Certes, c’est bien préliminaire. (je le dis souvent, ce mot). Ce sont des travaux sur tranches de cerveau, donc in vitro. Et puis le passage est rétrograde. Ce serait mieux en antérograde: donc la propagation "physiologique" de l'infomation. Mais il n’est pas inimaginable que ce soit faisable in vivo. Et cela permettrait peut-être de mieux comprendre comment sont agencés les réseaux neuronaux.
Par exemple, des anatomistes acharnés au cours des siècles derniers ont décrit diverses voies anatomiques connectant des régions éloignées du cerveau. Mais les enregistrements électrophysiologiques in vivo, en particulier dans l’épilepsie, laissent penser que des régions « a priori » non connectées sont fonctionnellement liées. Il existe donc probablement des connexions synaptiques entre leurs neurones. Cette méthode nous en apprendra-t-elle plus ?
En tous cas, elle sera vraissemblablement intéressante pour étudier les réseaux à l'échelle cellulaire.
(1) Monosynaptic Restriction of Transsynaptic Tracing from Single, Genetically Targeted Neurons. Wickersham et al. Neuron. 2007. 53 (5); 639-647.