Performances et préjugés
Un article récemment paru dans Science (Science 314, 435 (2006) Ilan Dar-Nimrod, et al.Math Performance Exposure to Scientific Theories Affects Women's) pourrait inciter à la bienveillance...
Les auteurs (Ilan, c'est masculin, non?)ont voulu évaluer l'influence que pouvaient avoir de charmants stéréotypes sur les résultats en maths...des femmes. L'idée leur est venue après une déclaration délicate du président de l'Université de Harvard. Celui-ci a ainsi prétendu qu'une des raisons de la sous-représentation des femmes en sciences et inginierie était, je cite: "a different availability of aptitude at the high end". Ca fait plaisir.
La méthodologie de l'étude est assez jolie: 133 étudiantes ont été recrutées pour passer une évaluation en maths. Ils en ont exclus 22 qui étaient trop mauvaises. Il en reste donc 111 (vous aviez trouvé?). Les participantes ont alors été soumises à un test niveau GRE (ie qui ne dépends pas trop du cursus scolaired'après ce que j'ai compris) en trois parties: 2 épreuves mathématiques séparées par une épreuve de compréhension d'un texte scientifique. Elles étaient réparties de façon aléatoire en 4 groupes qui se distinguaient par le contenu du texte. Le premier expliquait (statistiques à l'appui) qu'il n'y avait pas de différence hommes-femmes en maths(groupe ND). Le second discutait du rôle du corps de la femme dans l'art, et de son rapport avec l'identité féminine, ce que les auteurs appellent "stéréotype" négatif(S). Le troisième démontrait que les femmes étaient moins performantes que les hommes en maths, et que c'était génétique (Genetic Condition G). Enfin dans le dernier, cette différence étit expliquée par une différence des attentes des enseignants en fonction du sexe de l'enfant (Experimental condition E). Ils ont ensuite réalisé une seconde étude, avec 98 étudiantes sensées venir passer un entretien ainsi qu'une évaluation. Elles entendaient "malencontreusement" l'examinatrice expliquer à la candidate précédente les résultats d'un des 4 textes sus-cités avant d'être évaluées.
Et bien dans les deux études, les groupes ND et E d'une part, et G et S d'autre part avaient des résultats comparables. Mais les résultats de G et S étaient significativement plus mauvais que ceux de ND et E!
C'est à dire que lorsque les moindres performances étaient dues à l'ADN, sous-entendu "intrinsèques", ou à une infériorité de l'ordre du stéréotype de base ("la femme est avant tout un bel objet")les étudiantes se plantaient dans leurs épreuves de maths! Par contre lorsque cette infériorité était rapportée à des différences environnementales elles réussissaient mieux, et aussi bien que lorsque l'égalité des sexes face aux maths était soutenue.
Les auteurs concluent qu'il faut faire attention avant d'exposer une théorie scientifique, et penser à la façon dont elle va être interprétée: les conséquences peuvent dépasser le propos.
Je trouve qu'on peut voir les choses positivement: si les stéréotypes "négatifs" sont délétères, on peut imaginer que donner à quelqu'un l'impression qu'il est capable du meilleur peut le booster, non? Je vais le faire lire à mes chefs.